Crue de 1935 : un repère pour l’ensemble du bassin versant

La Reyssouze a connu plusieurs grandes inondations au fil du temps : 1836, 1954, 1983… Mais celle de 1935 reste la plus marquante. Elle est devenue la crue de référence pour l’ensemble du bassin versant.

Son 90ᵉ anniversaire rappelle que les inondations demeurent un risque bien réel, et que seule une mobilisation collective permet d’en limiter les impacts.

1935, une crue qui a marqué les esprits

Dès le jeudi 3 octobre au soir, un orage d’une violence exceptionnelle s’abattit sur Bourg-en-Bresse et ses environs. La pluie, tombant en trombes pendant près de douze heures, gonfla rapidement la Reyssouze et ses affluents. Les égouts, vite saturés, furent incapables d’évacuer l’eau, et dès l’aube, les quartiers bas de la ville se retrouvèrent sous plus d’un mètre d’eau.

Aux Quatre-Vents, à Rozières, les rues se transformèrent en canaux et les torrents s’engouffrèrent dans les caves ; la clinique Vernaud fut totalement submergée, et même les chevaux ne pouvaient plus circuler. L’allée de Challes était barrée, l’eau s’écoulait vers le Champ de foire, et la plaine de Majornas n’était plus qu’un immense lac. Les champs et prairies basses alentour se transformèrent en marécages.

Pour venir en aide aux habitants bloqués, la police, aidée par le 5e Régiment de tirailleurs marocains, participa activement aux opérations de sauvetage. Des citoyens courageux, en bottes ou en caleçons de bain, apportaient vivres et assistance aux familles sinistrées.

Cette crue, soudaine et générale sur la Reyssouze et ses affluents, transforma la ville et ses environs en un vaste lac urbain et rural. Elle marqua durablement les esprits et demeure encore aujourd’hui la crue de référence du bassin versant, rappelant la l’imprévisibilité de la rivière.

Photos des archives municipales de Bourg-en-Bresse.

C'est quoi, une crue de référence ?

Une crue de référence correspond à l’inondation la plus importante observée ou enregistrée sur une rivière ou un bassin versant donné.

Elle sert de point de repère pour les ingénieurs, gestionnaires de cours d’eau et collectivités, en permettant d’évaluer les risques d’inondation et de dimensionner les aménagements. 

Elle constitue également un outil de planification et de mémoire collective : en connaissant l’ampleur et l’impact d’une crue exceptionnelle passée, il est possible de mieux anticiper les mesures de sécurité et d’alerte pour protéger les habitants et les biens lors de futures crues.

Une crue de référence permet donc de :

  • cartographier les zones inondables,
  • fixer les règles d’urbanisme,
  • dimensionner les ouvrages,
  • sensibiliser les habitants.

La crue

La crue fait partie du fonctionnement naturel d'une rivière naturel : c’est la montée plus ou moins brutale du niveau d'un cours d'eau, liée à une croissance du débit. Elles sont essentielles au maintien de la diversité des hydrosystèmes et des services rendus par la nature.

L'inondation

Une inondation est une submersion temporaire d'une zone habituellement hors d'eau. Le risque d'inondation correspond à la confrontation, en un même lieu, d'un aléa (une inondation) avec des enjeux (humains, économiques, environnementaux, etc.)

La crue de 1935 a été plus forte qu’une crue centennale (une crue qui a un risque sur 100 de se produire chaque année). Elle sert depuis de repère commun dans les Plans de Prévention du Risque Inondation (PPRi) du territoire.

La naissance du canal de Loëze à Bourg-en-Bresse

Dès 1842, la création d’un déversoir pour détourner les crues de la Reyssouze et protéger Bourg-en-Bresse avait été envisagée, mais le coût empêchait sa réalisation. Après l’inondation de 1896, le projet est à nouveau étudié, mais reste en attente pour les mêmes raisons financières.

Après la Seconde Guerre mondiale et la crue de 1935, le projet est à nouveau étudié : un canal de dérivation capable d’évacuer 37 m³/s est prévu pour limiter le risque d’inondation en ville. L’avant-projet est adopté en 1951, les travaux débutent en 1953 et s’achèvent en 1965 avec le revêtement bétonné du canal sur plusieurs tronçons.

Route de Ceyzériat - 1955

Allée de Challes - 1955

Route de Marboz - 1955

Le Canal de Loëze a fait l’objet d’une réhabilitation sur 1,6 km en 2024.

Le béton a été retiré sur le tronçon allant de l’avenue Amédée Mercier à l’allée des Violets, permettant à l’eau de retrouver un contact direct avec le sol.

Cette renaturation favorise l’infiltration naturelle et le développement de la végétation, renforçant ainsi la biodiversité en milieu urbain.

Les études hydrauliques menées en amont ont permis de garantir le maintien du niveau de protection contre les crues. Les premiers épisodes de fortes pluies de l’hiver 2024-2025 ont confirmé la fiabilité des modèles hydrauliques.

Le canal de Loëze, avenue Amédée Mercier à Bourg-en-Bresse / 2025

Aujourd'hui : prévenir, restaurer, préparer

La prévention des inondations repose sur une approche globale et coordonnée, impliquant tous les acteurs du territoire : collectivités locales, syndicat de rivière, services de l’État, aménageurs urbains et agricoles.

Planifier l'occupation du territoire

La prévention des inondations passe en grande partie par une planification réfléchie de l’aménagement du territoire. Les collectivités disposent d’outils réglementaires comme les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) ou les Plans de Prévention du Risque Inondation (PPRI), qui imposent de tenir compte de l’aléa lors de l’octroi de permis de construire ou de projets d’aménagement.

L’objectif est simple : réduire l’exposition des populations, des biens et des activités en orientant le développement urbain hors des zones les plus vulnérables.

Concrètement, cela se traduit par plusieurs principes :

  • Éviter d’urbaniser les zones inondables : les terrains où la rivière peut déborder sont cartographiés et classés comme non constructibles ou très encadrés.

  • Accepter des usages compatibles : certains espaces en lit majeur peuvent accueillir des activités temporaires ou peu sensibles aux crues, comme des parcs, des terrains de sport, des jardins familiaux ou des prairies agricoles.

  • Adapter les constructions existantes : dans les secteurs déjà bâtis, on peut prescrire des règles spécifiques (cotes planchers rehaussées, rez-de-chaussée non habités, réseaux techniques surélevés).

  • Maintenir des zones naturelles d’expansion de crues : ces espaces permettent à l’eau de s’étaler sans dommage et limitent la montée des eaux en aval.

Redonner des espaces de liberté à la rivière

Au-delà de la planification de l’urbanisme, la prévention des inondations passe aussi par une meilleure gestion physique des cours d’eau. Pendant longtemps, on a cherché à canaliser les rivières en les rectifiant ou en les bétonnant pour « maîtriser » leurs débordements. Aujourd’hui, l’approche est différente : on comprend que laisser plus d’espace à la rivière permet non seulement de réduire les risques mais aussi de renforcer la qualité écologique des milieux.

Concrètement, cela signifie :

  • Restaurer les lits de rivière en recréant des méandres, des berges naturelles et des zones d’eau peu profondes qui ralentissent les crues.

  • Réhabiliter des zones humides qui jouent un rôle d’« éponge » naturelle : elles absorbent l’eau lors des fortes pluies et la restituent progressivement.

  • Aménager des zones d’expansion de crues en amont des zones habitées, pour stocker temporairement l’eau et limiter les débordements en aval.

Un exemple local est la restauration réalisée autour du sentier des Murmures, en amont du plan d’eau de Bouvent. Cet aménagement a permis de redonner à la Reyssouze un fonctionnement plus naturel et de recréer des espaces où l’eau peut s’étaler sans dommage.

Ces actions ont un double bénéfice :

  • Limiter les impacts des crues en donnant à la rivière des zones de débordement contrôlées.

  • Renforcer la biodiversité en favorisant le retour d’espèces animales et végétales liées aux milieux aquatiques et humides.

Ainsi, en combinant sécurité des habitants et amélioration du patrimoine naturel, ces projets traduisent une nouvelle manière de penser la relation entre la ville, la campagne et la rivière.

Surveillance et anticipation

La prévention passe aussi par une meilleure connaissance des rivières. Aujourd’hui, des outils de suivi hydrologique mesurent les hauteurs d’eau, les débits ou encore la température, ce qui permet d’anticiper les épisodes critiques et de déclencher rapidement des systèmes d’alerte.

À l’échelle locale, le syndicat Reyssouze et Affluents a mis en place depuis 2022 un observatoire des eaux superficielles. Son rôle est de récolter des données quantitatives et qualitatives pour mieux connaître le fonctionnement des cours d’eau et suivre l’évolution liée au changement climatique.

Ces données pourront à terme intégrer par le Service de prévision des crues de la DREAL, qui pilote le projet Vigicrues 2030.

Vigicrues est le service national français d’information et de vigilance sur le risque de crue. Il propose une carte de vigilance crues qui classe les cours d’eau en différents niveaux (vert, jaune, orange, rouge) selon le degré de dangerosité lié aux crues. 

Avec le programme Vigicrues 2030, notre territoire disposera d’un outil d’alerte pour renforcer la sécurité des habitants. 

Comment réagir en cas d'inondation ?

En France, le risque d’inondation est le premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes concernées, l’étendue des zones inondables et les populations résidant dans ces zones.

C’est pourquoi la gestion de crise est planifiée avant que l’événement ne survienne, avec :

  • Un Plan communal de sauvegarde (PCS) : le maire organise la sauvegarde de la population. Alerte, information, protection et soutien : le PCS couvre tous les risques connus, dont les inondations, et sert d’aide-mémoire pour la commune.

  • Un Plan ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile) : à l’échelle départementale, le plan ORSEC recense les risques connus et organise la gestion de crise et des secours, avec des dispositions générales et spécifiques selon le type de danger (inondation, plan rouge, etc.).

Il est également important que chacun connaisse les bons réflexes à voir en cas de pluies intenses ou d’inondations : ne pas prendre son véhicule, ne pas descendre dans les sous-sols, contacter les personnes vulnérables … 

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