Rivières et paysages : la Bresse, façonnée par les eaux

La place rivières dans nos paysages révèle comment notre société perçoit et utilise les milieux aquatiques, oscillant entre exploitation des ressources et efforts de préservation. Elle montre l’évolution de notre relation à la nature, de notre capacité à cohabiter avec les éléments naturels.

Suite à la journée technique organisée par l’Association Rivière Rhône Alpes Auvergne (ARRA²)  sur “l’intégration de l’approche paysagère dans les projets de restauration”, nous avons souhaité partager avec vous nos réflexions sur le lien entre rivières, paysages et société et inviter des experts à s’exprimer sur le sujet.

Pas de paysage sans homme

Un paysage est un ensemble visible d’éléments naturels et humains dans un espace donné. Il inclut des éléments comme les montagnes, les rivières, les forêts, mais aussi les constructions humaines, comme les villages ou les routes. Le paysage est perçu par les sens et influence notre relation avec l’environnement. Il évolue au fil du temps, en fonction des changements naturels et des interventions humaines.

Lorène JOCTEUR, , paysagiste conseillère au CAUE (Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement), “le paysage est à la fois le socle du territoire, un outil de connaissance et de dialogue. Il permet d’aborder la réalité territoriale de façon concrète, d’identifier ses composantes, ses lignes de force et ses potentialités. Lire le paysage permet de comprendre quels sont les liens et les relations qu’entretiennent les habitants avec leur cadre de vie”. 

La Bresse, pays(ages) d'eaux

Extraits choisis des Carnets de pays de l’Atlas des PAYSages de l’Ain du CAUE de l’Ain. Cliquer ici pour le feuilleter.

La Bresse, du latin Brixia apparaît la première fois dans la Légende de Saint-Trivier, au VIIème siècle et signifierait « lieu boisé », ou selon d’autre « lieu humide». 

Ce pays est dessiné par une multitude de rivières sinueuses et indolentes, toutes sont sujettes aux débordements. Légèrement vallonné (200 à 300 mètres d’altitude), le sol est lourd et profond.  Le climat combine des tendances continentales et océaniques et les précipitations atteignent 800 à 1000 millimètres. Ces conditions ont favorisé les prairies d’élevage, le bocage et les bois.

En Bresse, le moindre ruisselet porte un nom, signe d’un pays dont l’ensemble du territoire est investit et drainé par l’Homme. Bien que très présente encore aujourd’hui, l’eau se fait plus discrète. Parfois seuls les arbres témoignent de sa présence.

L'évolution des paysages de la Reyssouze

Pour Lorène JOCTEUR, “la Reyssouze est fondatrice de ces paysages mais n’est visible que ponctuellement, relevée par les évènements qu’elle suscite : moulins, ponts et ripisylves. Véritable charpente traversant toute la Bresse, cette rivière reste très discrète et peu accessible le long de son si long parcours du Revermont à la Saône. Il en est de même pour Bourg-en-Bresse qui s’est construite non pas autour de la rivière mais plutôt en s’en protégeant“. 

La Reyssouze a joué un rôle central dans le développement de la Bresse. Grâce à cette rivière, les moines chartreux ont pu drainer les anciens marais, permettant ainsi d’étendre les terres agricoles tout en augmentant légèrement le débit du cours d’eau. Cette transformation a également favorisé l’essor des moulins, qui ont à leur tour stimulé l’activité agricole.

Jusqu’aux années 1950, la Reyssouze était une rivière vivante et verdoyante. Elle regorgeait de poissons de qualité, comme les gardons, rousses, chevesnes, et autres espèces attirées par une biodiversité foisonnante : insectes, vers de vase … Les prairies humides de la vallée constituaient une halte privilégiée pour les oiseaux migrateurs – canards, sarcelles, vanneaux et bécassines.

Dans l’imaginaire collectif, notre territoire est toujours perçu comme l’un des principaux bocages français. Or, cette identité tend à être de moins en moins marquée, notamment par l’évolution de l’agriculture ou l’extension des villes et villages.

Un héritage des Trente Glorieuses

Depuis les années 50, l’évolution des paysages de la Reyssouze a été marquée par une transformation radicale due à des travaux d’hydraulique agricole et à l’aménagement du territoire. La canalisation des rivières par des curages successifs a été entreprise pour protéger les nouveaux quartiers d’habitation des inondations et pour atténuer les effets des crues sur les parcelles agricoles. Celles-ci ont vu leur taille grandir  au détriment du bocage bressan dont de nombreuses haies ont été supprimées. Ce processus a conduit à une uniformisation du paysage, où la rivière, désormais “perchée” dans un lit aménagé, a perdu sa connexion avec les zones inondables …

Ces modifications révèlent une priorité donnée à l’urbanisation et à la productivité agricole durant les Trente Glorieuses. Elles ont été réalisés au détriment de la diversité écologique et d’une gestion durable des ressources en eau sur notre territoire, tout en échouant à atteindre pleinement les objectifs de protection contre les inondations..

Pour aller plus loin : “Les conséquences écologiques et sociales de l’aménagement de la Reyssouze dans l’Ain (années 1850-années 2000)”

Le paysage, levier de changement

“Les paysagistes-concepteurs sont formés pour dessiner des modèles, penser les déblais remblais, choisir des végétaux, travailler des séquences et créer des moments singuliers tout au long des cours d’eau”, explique Lorène JOCTEUR. “En lien avec les hydrologues, les écologues et les collectivités, ils aident à mettre en valeur les rivières dans la traversée des territoires, et proposent des nouvelles relations entre les habitants et la rivière à travers les aménagements”.

Les travaux de renaturation que nous menons modifient profondément le paysage. Ils remettent en question notre perception des milieux aquatiques et nous interrogent sur la place de la rivière. C’est pourquoi la question du paysage est  importante dans nos métiers : découvrez comment dans notre article “Reyssouze et paysages”.

Retrouvez tous les articles liés au projet d'amélioration des rivières et du cadre de vie à Bourg-en-Bresse et de restauration écologique de le Reyssouze à Pont-de-Vaux :