Pourquoi on ne passe pas à l’action ? Retour sur la conférence sur les sciences comportementales

Vendredi 27 septembre, plus de 80 personnes se sont retrouvées à l’Amphitorium à Bourg-en-Bresse pour participer à la conférence de Nicolas FIEULAINE sur les sciences comportementales. Retour sur cette soirée. 

C'est quoi, les sciences comportementales ?

Au cours des 20 dernières années, la gestion des milieux aquatiques et des rivières a évolué vers une approche plus écologique et intégrée. On est passé d’une gestion centrée sur des objectifs économiques (comme la navigation, l’irrigation, ou l’hydroélectricité) à une approche prenant en compte la restauration écologique, la préservation de la biodiversité et la gestion des risques, notamment les inondations. Les politiques publiques, telles que la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) en Europe, ont renforcé la protection des écosystèmes aquatiques, promouvant la renaturation des rivières, la continuité écologique, et la réhabilitation des zones humides.

Or, certains usages, certaines habitudes, certaines perceptions concernant les milieux aquatiques ont la vie dure. Pourquoi ? 

C’est ce que nous avons souhaité comprendre en invitant Nicolas Fieulaine, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’Université de Lyon, à donner une conférence le vendredi 27 septembre 2024 à l’Amphitorium de Bourg-en-Bresse. 

Devant près de 90 personnes, Nicolas Fieulaine a dans un premier temps expliqué que les sciences comportementales se trouvent à la croisée de plusieurs disciplines telles que la psychologie, la sociologie, les neurosciences … Elles permettent d’avoir une vue d’ensemble des multiples facteurs qui influencent le comportement humain.

Grâce aux sciences comportementales, on comprend notamment que la quasi-totalité des décisions que nous prenons sont issues d’un système de décision automatique et intuitif

« C’est celui qui fait que vous vous êtes tous assis dans cette salle ce soir ! C’est connu, on réfléchit mieux debout qu’assis. Pourtant, quand vous êtes entrés dans cette salle, vous ne vous êtes pas dit un instant que vous pourriez rester debout ! ».

Nous faisons bien plus rarement que nous le pensons appel au second système, celui de la décision réfléchie et délibérée, qui demande plus de temps et d’énergie cognitive.

Savoir ce n'est pas forcément pouvoir ...

Les sciences comportementales nous apprennent également que, pour un individu, savoir ne signifie pas forcément pouvoir. « Il y a souvent un fossé entre l’intention et l’action. On peut parfois se sentir incapable de réagir », explique Nicolas Fieulaine. « Nous vivons dans l’ère de la dissonance cognitive », cet état de tension mentale qui survient lorsque nos croyances, valeurs ou attitudes sont en contradiction avec nos actions. « C’est d’autant plus vrai pour les jeunes qui décrochent face aux enjeux du changement climatique. A défaut de se sentir capable de changer de comportement, il est parfois plus facile de changer de mode de pensée ». Ainsi, il devient plus facile de remettre en question le changement climatique que de modifier ses modes de consommation.

Pour Nicolas Fieulaine, la sensibilisation ne suffit pas. « Il faut arrêter de parler de bénéfices futurs : imaginer le futur demande un effort colossal, surtout quand vous essayez de survivre au quotidien ! ». Le changement doit, selon lui, être associé à des bénéfices immédiats. En somme, rendre le changement plus désirable que le confort de ses habitudes.

Pour y arriver, il faut commencer par réinterroger nos perceptions et nos croyances. « Qu’est ce qui nous a séparés de l’eau ? Pourquoi utilise-t-on le pluriel lorsque l’eau est perçue comme menaçante, comme pour « les eaux usées » ou « les eaux stagnantes » ? Pourquoi représenter l’eau en bleu alors qu’on ne la trouve que très rarement de cette couleur dans la nature ? ». C’est ce travail qu’ont entamé de nombreuses collectivités : « aujourd’hui, on observe que les services publics s’emparent des sciences comportementales et proposent des solutions plus créatives pour changer les normes ». Ces solutions demandent cependant du temps et la liberté d’expérimenter, des choix qui devront donc être soutenus par des élus prêts à tenter cette nouvelle approche.

Après cette heure de présentation, le public a pu échanger avec le chercheur : à la question « tester permet-il d’adopter un nouveau comportement plus facilement ? », le sociologue répondait que lorsque l’on fait la démarche de tester, on est souvent déjà convaincu : « comment ouvrir ces tests à des personnes qui n’y seraient pas venues naturellement ? ».

Une autre personne s’étonnait que le marketing reposât déjà beaucoup sur les biais cognitifs évoqués : « pourquoi ne pas s’être emparé des sciences comportementales avant ? ». Comme souvent, l’argent, ou plutôt le défaut d’argent, est sûrement à pointer : « appliquer les sciences comportementales à un sujet demande du temps, et donc du budget », dont ne disposent pas toujours les structures publiques.

Alexandre LAFLEUR, directeur du syndicat de rivières, concluait le temps d’échange avec le public en revenant sur les travaux de restauration et de renaturation en cours, notamment à Bourg-en-Bresse. « Ces travaux remettent la rivière et les zones humides au cœur de la ville, les rendent à nouveau visibles et accessibles, invitant chacun à se réinterroger et changer sa perception de ces milieux ».  

A quoi ressemble une rivière en bon état ? Pourquoi craint-on les zones humides ? Peut-on cohabiter avec les milieux aquatiques ?

C’est pour inviter les habitants du bassin versant de la Reyssouze à se poser ces questions que le syndicat a lancé en 2023 un observatoire participatif de la rivière, via l’application Cœur Reyssouze. Dans la foulée, deux groupes de travail ont été lancés avec des citoyens volontaires pour coconstruire les bases de la participation citoyenne au sein de Reyssouze et Affluents. Jean-Louis FAVIER, Président du syndicat, clôturait d’ailleurs la soirée en conviant chacun à participer à l’évènement du 30 novembre sur la place des citoyens dans la gouvernance des milieux aquatiques, organisé par le syndicat au théâtre de Bourg-en-Bresse.  

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