Espèces Exotiques Envahissantes : rencontre avec Léonie Besson du Département de l’Ain
En 2025, Reyssouze et Affluents lancera l’élaboration d’un plan de gestion des Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) végétales sur l’ensemble du bassin versant. L’étude, dédiée aux milieux aquatiques et humides, se déroulera en trois phases :
🔹 Phase 1 – Prospection et inventaire : recensement des EEE végétales avec localisation, quantification et analyse bibliographique.
🔹 Phase 2 – Diagnostic : évaluation du stade invasif, cartographie des tronçons de cours d’eau, identification des vecteurs de dissémination et analyse des risques pour l’écosystème.
🔹 Phase 3 – Plan d’actions : définition des objectifs de gestion, priorisation des interventions, méthodologie d’éradication ou de contrôle, estimation des coûts et mise en place d’un suivi à long terme.
Ce plan visera à mieux comprendre la répartition des EEE et à structurer les actions pour limiter leur impact sur les milieux aquatiques.
Mais qu’est-ce qu’une Espèce Exotique Envahissante ? Quelles espèces trouve-t-on localement ? Quels dangers représentent-elles pour nos écosystèmes ? On fait le point avec Léonie Besson, chargée de mission au Département de l’Ain.
Pouvez-vous nous expliquer vos missions en quelques mots ?

"Je suis chargée de mission Espace Naturel Sensible (ENS) : je veille à la gestion de plusieurs ENS dans l’Ain afin de préserver leurs caractéristiques et d'accompagner leur ouverture au public. J’assure également diverses missions en lien avec les partenaires du département, notamment le suivi des Espèces Exotiques Envahissantes (EEE), ainsi que des labels « Rivières Sauvages » et Ramsar. Par ailleurs, j’interviens sur des questions foncières liées aux zones sensibles."
Pouvez-vous nous donner une définition de ce qu’est une Espèce Exotique Envahissante (EEE) ?
« Une EEE est une espèce végétale ou animale qui a été introduite par l’Homme, intentionnellement ou accidentellement, et qui présente un danger pour les écosystèmes locaux. Elles peuvent par exemple concurrencer des espèces locales, comme la tortue de Floride qui utilise les mêmes sources de nourriture et les mêmes lieux de pontes que la cistude, une espèce qu’on trouve localement dans l’Ain. Elles peuvent aussi étouffer des milieux entiers, ou être porteuses de maladies. Les EEE sont une des cinq premières causes de l’érosion de la biodiversité dans le monde !
La lutte contre les EEE est réglementée au niveau européen et au niveau national. Il existe une liste des EEE liées à un certain nombre d’obligations de lutte, d’interdiction de vente ou de possession … Si les collectivités sont en charge d’animer et de structurer cette lutte, les particuliers sont aussi responsables et peuvent avoir l’obligation d’agir. C’est une bataille à mener collectivement. »
Espèces Exotiques Envahissantes : le livret du ministère de la Transition écologique et solidaire
Quelles sont les principales EEE sur le département et plus précisément sur le bassin versant ?
« Pour les espèces animales, nos actions concernent prioritairement l’écrevisse américaine, le frelon asiatique et le ragondin.
L’écrevisse américaine est porteuse saine de la « peste de l’écrevisse », une maladie fongique causée par la présence du champignon Aphanomyces astaci. Si la maladie n’est pas dangereuse pour l’homme, elle est mortelle pour les écrevisses indigènes, notamment l’écrevisse à pattes blanches.
Il est impossible aujourd’hui de lutter contre la présence de l’écrevisse américaine. Notre mission est orientée sur la préservation des colonies d’écrevisse à pattes blanches encore existantes : on met en place des suivis, des dispositifs de sauvetage et de réimplantation, en lien avec la fédération de pêche de l’Ain et des structures en charge de la gestion des cours d’eau.
On trouve encore des écrevisses à pattes blanches dans le département, notamment dans le Bugey. En revanche, nous n’avons pas connaissance de population sur le bassin versant de la Reyssouze, où elle vivait encore il y a encore quelques années. »
L’écrevisse à pattes blanches n’a pas été vue sur le bassin versant de la Reyssouze depuis 2010. Cette disparition est probablement due à l’effet combiné de la dégradation des milieux aquatiques et de la présence de l’écrevisse américaine.

Écrevisse à pieds blancs, Écrevisse à pattes blanches, Écrevisse pallipède. Austropotamobius pallipes

Écrevisse américaine. Faxonius limosus
Le ragondin est une espèce introduite en France dans les années 1920 pour sa peau, ses poils et sa viande. Avec la chute du commerce des peaux dans les années 1960, les élevages déclinent et deviennent le foyer de la dispersion de ces animaux sur le territoire. Pourquoi le ragondin est considéré comme nuisible et quels sont les moyens de lutte mis en place ?

« Le ragondin pose des soucis au niveau des berges, des digues et autres ouvrages qu’ils fragilisent en creusant leurs terriers. C’est particulièrement problématique dans la Dombes au niveau des étangs.
Ce sont aussi de gros consommateurs de végétaux aquatiques : cet impact a été étudié dans la Dombes où la mise en place d’exclos (à l’inverse des enclos ndlr) a permis de soustraire une zone de la pression du ragondin. En moins d’un an, la végétation a repris ses droits, accompagnée par le retour de toute la faune typique de ces milieux : libellules, canards, coléoptères aquatiques …
Pour lutter contre la prolifération du ragondin, une prime à la queue est toujours en vigueur, en lien avec la Fédération de chasse. »
Même si ce n’est pas en lien direct avec nos métiers, pouvez-vous nous en dire plus sur le frelon asiatique ?
« Le frelon asiatique présente un danger sanitaire par la pression qu’il exerce sur les abeilles domestiques. C’est un gros prédateur et il peut également faire des dégâts sur d’autres catégories d’insectes. Le département travaille sur le sujet avec le Groupement de Défense Sanitaire et les syndicats apicoles. Il peut prendre en charge la destruction des nids sous certaines conditions, et uniquement suite à une démarche réalisée sur le site frelonsasiatiques.fr.
Par exemple, nous ne prendrons pas en charge la destruction d’un nid après qu’il aura été abandonné à l’automne. Il faut savoir que les frelons quittent leur nid pour l’hiver et ne le réutilisent pas l’année suivante : un nid vide ne représente donc aucun danger. Par contre, cela doit appeler à la vigilance : cela indique la présence de femelles fondatrices dans le secteur à la prochaine saison …
A première vue, il n’y a pas forcément de lien direct entre cours d’eau et frelon asiatique. Pourtant on a remarqué que le frelon asiatique semble profiter des vallées des cours d’eau et des grands axes routiers pour se disperser. »

Lorsqu'on parle d'Espèce Exotique Envahissante, quelle est la première espèce animale qui vous vient à l'esprit ?
Résultats du sondage proposé sur l'application Coeur Reyssouze. Nombre de réponses : 20 / Ragondin : 6 - Ecrevisse américaine : 3 - Frelon asiatique : 2 - En jaune sur l'illustration : 1
Dans le cadre de nos missions, nous sommes régulièrement confrontés à la présence de plantes exotiques envahissantes, dont la présence nécessite la mise en œuvre de protocoles particulier. Pouvez-vous nous présenter les principales espèces végétales envahissantes présentes dans l’Ain ?
« L’Ain est particulièrement concerné par l’ambroisie à feuilles d’armoises, que nous suivons dans le cadre d’un dispositif avec l’Agence Régionale de Santé. C’est une plante opportuniste envahissante dont le pollen est hautement allergisant pour l’homme. La lutte est compliquée et chronophage car elle nécessite de faucher avant floraison. »
Sur nos chantiers, l’équipe de Reyssouze & Affluents suit particulièrement l’ambroisie qui apparait souvent à la suite de travaux de terrassements.
« Depuis 10 ans, nous concentrons également nos efforts sur la jussie, une plante aquatique originaire d’Amérique du Sud. Elle prolifère dans les étangs et s’étend à leur surface jusqu’à étouffer complètement le milieu. Elle se disperse très facilement par rhizome : pour endiguer son expansion, l’idéal est de l’arracher à la main et éliminer toute la plante minutieusement, car un seul rhizome suffit ! Selon l’importance de colonisation, on peut préconiser un assèchement de l’étang sur plusieurs années, avec un travail du sol spécifique pour épuiser la plante. Pour intervenir chez les particuliers dans le cadre de la lutte contre la jussie, le département possède une Déclaration d’Intérêt Général.
Aujourd’hui, on compte environ 80 sites de jussie dans l’Ain. La situation est plutôt maitrisée au niveau du département : sur ces 80 sites, une vingtaine est aujourd’hui sous surveillance sans que la présence de jussie n’ait été repérée cette année.
Il faut savoir que la colonisation se fait par l’Homme : la jussie n’est plus vendue en tant que plante d’ornement mais il arrive encore que certains propriétaires la ramenènent chez eux faute de connaitre l’espèce et son caractère invasif. «
Sur le bassin versant de la Reyssouze, 1 site de jussie est répertorié sur la commune de Bresse Vallons. D’autres se trouvent à proximité sur les communes de Foissiat et Saint-Etienne-du-Bois.

Ambroisie à feuilles d’armoise, Petite herbe à poux ou Ambroisie élevée. Ambrosia artemisiifolia L.

La Jussie. Ludwigia
« D’autres espèces sont présentes sur le département ponctuellement, parmi lesquelles on peut citer le myriophylle du Brésil, le grand lagarosiphon, l’élodée de nutall, l’hydrocotyle fausse renoncule … Ces sites sont suivis de près pour éviter la colonisation de nouveaux écosystèmes. «

Lorsqu'on parle d'Espèce Exotique Envahissante, quelle est la première espèce végétale qui vous vient à l'esprit ?
Résultats du sondage proposé sur l'application Coeur Reyssouze. Nombre de réponses : 22 / Ambroisie : 5 - Renouée du Japon : 4 - Bleu foncé : 2 - En jaune sur l'illustration : 1
Qui faut-il contacter si on constate la présence d’EEE végétale dans sa mare ou son étang ?
« Le Département (tout comme le syndicat, ndlr) fait appel à la Fredon Auvergne Rhône Alpes, un Organisme à Vocation Sanitaire, pour coordonner la lutte contre ces plantes exotiques, en lien avec la Fédération de pêche, les collectivités, les syndicats de rivières … Ils peuvent intervenir chez les particuliers et procéder à l’arrachage avec les propriétaires. «
Merci à Léonie Besson d'avoir pris le temps de nous recevoir et de répondre à nos questions !
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