Comprendre la « Vigilance sécheresse » malgré les pluies récentes

Les nappes, comment ça fonctionne ?

Vidange et recharge

Les nappes souterraines, qui peuvent servir notamment à l’alimentation en eau potable de nos territoires, voient leur niveau varier au cours de l’année. Cela fonctionne sur le principe alternant recharge et vidange.

  • Les nappes se rechargent généralement du début de l’automne au début du printemps si les conditions sont favorables : précipitations abondantes (dites efficaces), températures faibles et donc faible évaporation, végétation peu active et donc peu d’évapotranspiration, etc.
  • La vidange débute en général à partir du printemps et se poursuit jusqu’en automne sauf événements pluviométriques exceptionnels : précipitations faibles ou nulles, températures élevées et plus forte évaporation, reprise de la végétation et de l’évapotranspiration, etc.
Alternance recharge/vidange au niveau du piézomètre de St Remy (nappe Dombes – Certines Nord).

Nappes réactives et nappes inertielles

Aussi, chaque nappe réagit différemment à l’infiltration d’une pluie selon l’aquifère dans lequel elle se situe et sa composition géologique. On parle de nappes :

  • Réactives dans des aquifères constitués de sables, graviers, calcaires karstiques, granites altérés. Elles se distinguent par des réactions rapides : elles peuvent se recharger lors de fortes pluies estivales, mais ont également une sensibilité importante à la sécheresse. Leur état de remplissage peut donc varier très rapidement au cours d’une même saison.
  • Inertielles dans des aquifères constitués de craie, calcaire non karstique, grès. Leurs réactions sont lentes. Leur cyclicité peut être pluriannuelle, c’est-à-dire qu’elles nécessitent une longue période pour se recharger ou se vidanger.

Les nappes du secteur du bassin versant de la Reyssouze sont des nappes inertielles (couloir Rhône-Saône).

Cyclicité des nappes d'eau souterraine en France Hexagonale. © BRGM

Nappes réactives et nappes inertielles

Il peut sembler paradoxal que certaines nappes montrent des niveaux bas malgré des pluies récentes. Cela s’explique par la nature des nappes inertielles. Ces nappes, constituées de craie, calcaire non karstique ou grès, ont une capacité de réaction très lente. Elles nécessitent des périodes prolongées de recharge pour que l’eau pénètre profondément et atteigne le niveau de la nappe. Ainsi, même si des précipitations importantes peuvent se produire, elles ne suffisent pas à remonter rapidement le niveau de ces nappes inertielles, contrairement aux nappes réactives qui répondent plus rapidement aux variations de précipitations.

Situation des nappes en France et dans l’Ain

Selon le bulletin de situation des nappes d’eau souterraine au 1er juin 2024 du BRGM, l’état des nappes est très satisfaisant sur une grande partie du territoire grâce à une recharge 2023-2024 favorable. Les niveaux sont généralement au-dessus des normales mensuelles.

En mai 2024, l’état des nappes inertielles est généralement satisfaisant avec des niveaux modérément hauts à hauts. Seules les nappes les plus inertielles présentent encore des niveaux modérément bas à bas : Beauce, Bresse et Dombes, Sundgau (sud Alsace).

L’analyse des piézomètres installés par Reyssouze et Affluents conforte les observations du BRGM : l’état des nappes se dégrade dans le sud de notre bassin versant.

Carte de France hexagonale de la situation des nappes d'eau souterraine au 1er juin 2024 © BRGM

Les arrêtés sécheresse dans l’Ain

Les arrêtés sécheresse émis par les préfectures s’appuient sur les évolutions des niveaux des nappes souterraines et également sur l’état des eaux superficielles (cours d’eau, lacs, etc.) pour adapter les consignes locales de restrictions de certains usages de l’eau.

Depuis le début d’année, trois arrêtés successifs ont été en vigueur dans le département : celui du 6 décembre 2023, celui du 27 mars 2024 et celui du 18 juin 2024 (toujours d’actualité).

Quels niveaux de restrictions sur le territoire et pourquoi ?

Du côté des eaux de surface, les pluies ont permis aux cours d’eau de retrouver des débits suffisants. Ainsi, il n’y a pas eu de vigilances particulières les concernant dans les 3 derniers arrêtés.

Du côté des nappes, une nette amélioration du niveau de la nappe de la Dombes – Certines – Nord est constatée. Cette nappe située sur le sud du bassin versant est ainsi passée du niveau « Alerte renforcée » à « Alerte » en mars pour revenir au niveau « Vigilance » seulement en juin. Ainsi, le sud du bassin versant de la Reyssouze a vu ses mesures de restriction évoluer au cours des saisons.

Les niveaux de la nappe Dombes – Sud sont également en hausse, mais dans une bien moindre mesure. En effet, cette tendance à l’amélioration ne compense pas, à ce jour, l’ampleur de la baisse du niveau de cette nappe induite par les épisodes de sécheresse qui se sont succédé depuis 2015. Elle reste donc au niveau d’« Alerte renforcée » depuis décembre.

Quelles restrictions s’appliquent ?

Pour les communes placées en situation de vigilance, les usagers sont invités à économiser leur consommation d’eau, afin de retarder au maximum l’instauration de mesures de restriction. La situation de vigilance n’induit aucune mesure de restriction imposée.

La situation d’alerte renforcée conduit, dans les communes concernées, à l’instauration de mesures de limitation ou d’interdiction des prélèvements et de l’utilisation de l’eau qui figurent dans le tableau ci-après.

Vous souhaitez savoir si votre commune est concernée et quelles sont les mesures qui s’appliquent ?

Les prévisions : ce qu’il faut retenir !

Les prévisions saisonnières de Météo-France sur les mois de juin et juillet et août privilégient un scénario plus sec que la normale sur le sud-ouest et le pourtour méditerranéen. Aucun scénario de pluie ne se dégage sur le reste du territoire. Des températures plus élevées que la normale seraient probables sur l’ensemble de la France métropolitaine.

La situation des nappes inertielles devrait se stabiliser ou se dégrader graduellement à partir de juin et durant l’été. Les prévisions saisonnières sont optimistes sur une grande partie de ces nappes. Elles sont peu sensibles à une sécheresse estivale, du fait d’un comportement très inertiel. Attention cependant, les nappes très inertielles de la Beauce, du Sundgau (sud Alsace), de la Bresse et de la Dombes présentant déjà des situations moins favorables devront être surveillées.

Les prévisions : ce qu’il faut retenir !

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